
Une femme condamnée à 125 000 euros pour avoir dénoncé la présence de pesticides dans du vin de Bordeaux
Nous vivons une époque étrange où nous découvrons que des produits que nous utilisons depuis des années sont en fait assez nocifs pour notre santé. Pendant qu'en même temps, pullulent des fausses informations sur tous les sujets, que le green washing n'a jamais été aussi présent et qu'au final, nous ne savons plus vraiment qui croire car même les scientifiques sont divisés.
Qu'est-ce qui est le plus important pour vous : dénoncer que quelque chose est dangereux ou empêcher cette dénonciation car elle risque de faire baisser les bénéfices d'une entreprise ? C'est un peu la polémique qui entoure la condamnation de Valérie Murat, amoureuse du vin militante, et de son association Alerte aux toxiques.
Valérie Murat est fille de viticulteur et a vu son père mourir d'un cancer du poumon. Ce cancer a été reconnu comme maladie professionnelle pour son père. En cause, les pesticides avec lesquels il avait été en contact toute sa vie dans les vignes. Valérie Murat a alors monté une association et lancé une campagne d'analyse sur des bouteilles de vin pour savoir si elles contenaient des substances classées CMR probables – c’est à dire cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques.
L'étude de 2020 a porté sur 22 bouteilles de vins appartenant pour la plupart à des domaines bordelais, affichant la certification HVE (Haute valeur environnementale) et/ou expliquant avoir une pratique vertueuse.
Malheureusement, comme elle s'y attendait assez, les résultats ont montré que toutes ces bouteilles contenaient des perturbateurs endocriniens potentiels, que 11 avaient des traces des fameuses substances CMR tandis que 9 contenaient un ou plus fongicides dits SDHI.
À partir de là tout le monde sera d'accord : ces substances ne permettent pas de classer ces vins issu d'une pratique vertueuse ou de les certifier HVE. L'étude dévoilée en septembre n'a pas été apprécié par Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB). Une plainte a été déposée contre Valérie Murat et son association pour "dénigrement collectif à l’égard de la filière" expliquant que les taux étaient en dessous des limites.
Certes, ils étaient en dessous mais les vins en contenaient tout de même. L'association et sa dirigeante ont été condamnés cette année à 100 000 euros de dommages et intérêts au CIVB, ainsi que 25 003 euros à d’autres plaignants du monde du vin. Le tribunal critique sa communication utilisée, et le fait que même si les résultats ont tous été confirmés par des laboratoires, son ton a été anxiogène.
Concernant le taux inférieur aux limites, il faut savoir que fréquemment cette limite est revue à la hausse (pour les pesticides mais aussi pour la quantité de pus sur les pis des vaches qui arrive dans notre lait). De plus, quand on parle de perturbateurs endocriniens, le souci c'est le cumul de ces substances, si vous en consommez dans plusieurs aliments et que du coup la dose absorbée dépasse ce seuil légal.
À noter : Valérie Murat ne pourra pas faire appel de sa condamnation sans avoir payé son amende, soit 125 000 euros. Une cagnotte a été lancée pour l'aider à pouvoir faire appel.
C'est important de dénoncer lorsque quelque chose nuit à notre santé, c'est important de le partager et de pousser les entreprises ou personnes à changer leurs pratiques pour le bien de tous, des viticulteurs aux travailleurs en passant par les consommateurs. Qu'en pensez-vous ?